Le Leviathan De L'Espace by Young Robert F

Le Leviathan De L'Espace by Young Robert F

Auteur:Young, Robert F. [Young, Robert F.]
La langue: fra
Format: epub
Tags: S-F
ISBN: 2730403256
Éditeur: NéO
Publié: 1985-01-01T23:00:00+00:00


Traduit par Jean-Raymond Brocard.

Poète, prends ton luth…

Emily faisait sa ronde tous les matins de la semaine dès son arrivée au musée. Son titre officiel était Conservateur adjoint, préposée à la Salle des Poètes. Dans son esprit, toutefois, elle était beaucoup plus qu’un simple Conservateur adjoint : elle était une femme privilégiée dont la fonction lui permettait de frayer avec les grands Immortels – les chantres sublimes, pour citer l’un d’eux, dont les pas lointains retentissent par les couloirs du Temps.

Les poètes étaient rangés par ordre alphabétique plutôt que chronologique. Emily partait des socles dans la partie gauche de la salle – c’est-à-dire les A – et faisait le tour de l’imposant demi-cercle, de façon à pouvoir toujours terminer par Alfred, Lord Tennyson. Lord Alfred était son préféré.

Elle disait toujours bonjour très aimablement à chacun des poètes et chacun répondait à sa manière, mais pour Lord Alfred, elle s’efforçait d’ajouter quelques phrases de sympathie, comme par exemple : « C’est une bien bonne journée pour écrire aujourd’hui », ou « J’espère que les Idylles ne vous donnent pas trop de mal ! »

Elle savait bien, naturellement, qu’Alfred n’allait pas se mettre à écrire et que la plume démodée et la rame de papier d’époque disposées sur la petite écritoire à côté de sa chaise n’était là que pour compléter le tableau. Elle savait également que ses talents d’androïde ne lui permettaient pas de faire plus que de réciter la poésie que son modèle en chair et en os avait écrite des siècles auparavant. Mais ça ne faisait de mal à personne de faire semblant, surtout lorsque sa bande sonore répliquait par exemple ainsi : « Au printemps, l’aile de la colombe se teinte de l’iris avivé, Au printemps, les pensées d’un jeune homme se tournent gaiement vers l’amour. »

« Reine des roses, reine du jardin des jeunes filles en bouton, Venez, les danses s’achèvent dans les satins brillants et les perles irisées, Reine des roses et des lis… »

Quand Emily avait débuté dans la Salle des Poètes, elle avait je grands espoirs. De même que les directeurs du musée dans l’esprit desquels avait germé cette idée, elle croyait fermement que la poésie n’était pas morte et que dès que les gens apprendraient qu’il était possible d’entendre les paroles magiques au lieu d’avoir à les lire dans des volumes poussiéreux, et qui plus est, de les entendre de la bouche même du modèle grandeur nature et animé de leur créateur, ni Dieu ni diable ne les empêcheraient de se précipiter au musée. En fait, ni elle ni eux n’avaient vu juste.

Le citoyen moyen du vingt et unième siècle demeurait aussi fermé à Browning ressuscité qu’à Browning imprimé. Quant à l’intelligentzia – ou ce qu’il en restait – ils préféraient qu’on leur serve leur ration poétique à la mode ancienne, et n’avaient pas hésité à déclarer publiquement à plusieurs reprises que le fait de faire dire à des mannequins animés les œuvres immortelles des vieux maîtres était un crime de la technique contre les Arts.



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